Décarbonation : Quelles bonnes pratiques intégrer à un appel d'offres ? - PeersGroup

Décarbonation : Quelles bonnes pratiques intégrer à un appel d’offres ?

Publié le 28 septembre 2023 dans PeersAdvisory

En France, le décret BEGES impose depuis le 1er janvier 2023 aux entreprises de plus de 500 salariés, aux personnes morales de droit public de plus de 250 employés et aux collectivités de plus de 50 000 habitants de mesurer leurs émissions indirectes Scope 3. La fonction Achats est fortement concernée puisque l’amont représente pour de nombreux secteurs une grande majorité des émissions de ce périmètre.

Nous vous proposons d’aborder au travers des missions que nous avons pu effectuer récemment les principaux écueils à éviter pour la mesure du scope 3 d’une catégorie et la mise en œuvre opérationnelle d’actions de décarbonation dans le cadre d’appels d’offres.

  • Un accès à la data difficile en soi…

La mesure du scope 3 Achats peut être réalisée de deux manières : via l’ACV (Analyse du cycle de vie) ou l’application de facteurs d’émissions. Si la première approche est exhaustive, elle ne pourra généralement s’appliquer qu’aux achats directs car elle nécessite du temps et la collecte de beaucoup d’informations. Pour les achats indirects, compte tenu de la volumétrie de catégories et de fournisseurs à traiter, il conviendra d’opter pour la deuxième option. Si elle permet de traiter plus rapidement une grande masse de données, elle comporte de nombreux biais puisque qu’elle repose par définition sur des moyennes et ne peut prendre en compte tous les facteurs spécifiques au cas d’étude. Par exemple, pour un flux logistique amont identifié comme étant du transport aérien, le facteur d’émission à utiliser ne pourra être qu’une moyenne et ne pourra pas prendre en compte des éléments impactants comme le type d’appareil et sa consommation, le taux de remplissage de cet avion, le fait qu’il effectue des trainées ou non qui peuvent faire varier fortement la métrique en question. 

A défaut d’avoir une évaluation précise, il faut se résoudre à approximer les émissions quitte à revoir ses métriques dans une logique d’amélioration continue, tout en évitant de créer une « usine à gaz » qui découragerait toute actualisation de calcul et initiative de suivi de la performance décarbonation.

  • … mais qui dépend aussi de la maturité des fournisseurs sur ces enjeux

En fonction de leur taille, leur  localisation géographique ou leur sensibilisation aux enjeux environnementaux, les fournisseurs ont des niveaux de maturité décarbonation très hétérogènes.

Il est donc nécessaire d’aller travailler en amont de l’appel d’offres avec eux pour identifier les données qu’ils ont à leur disposition ou qu’il peuvent récupérer auprès de leurs propres fournisseurs, et déterminer celles qu’ils ne pourront pas collecter. Les cases vides ou non pertinentes dans une demande de valorisation sont à éviter absolument : l’acheteur se retrouverait dans une situation difficile où il aurait bien du mal à prendre la bonne décision de référencement. Cette étape de préparation et d’investigation est donc cruciale.

Mesurer, c’est déjà une première étape importante mais insuffisante : l’étape suivante consiste à concevoir un plan de performance décarbonation de la catégorie et de le décliner en initiatives concrètes. Au moment de définir des critères décarbonation en prévision d’un appel d’offres, l’acheteur va être confronté à de nouveaux écueils qu’il convient d’anticiper au mieux.

  • Des méthodologies de calcul parfois différentes d’un fournisseur à un autre qui peuvent fausser les décisions de l’acheteur

Aujourd’hui plusieurs normes peuvent coexister pour le calcul des émissions carbone, comme Paia qui est fondée sur des facteurs d’émissions et GHG Protocol qui inclut aussi bien les émissions directes et indirectes. Comparer des fournisseurs utilisant ces approches différentes biaise l’analyse et pénalise les entreprises les plus vertueuses car les plus exhaustives dans leur calcul. Il convient donc d’identifier clairement les méthodologies de calcul mises en place par ces fournisseurs. Et en cas d’écarts substantiels, il ne faudra pas hésiter à figer sa propre méthode de calcul et travailler sur la collecte de métriques avec les fournisseurs pour produire soi-même les calculs.

  • La nécessité de fixer des objectifs ambitieux mais réalistes

Les critères décarbonation intégrés dans la plupart des appels d’offres aujourd’hui sont de nature qualitative (label, engagement RSE, plan d’actions fournisseur), ce qui constitue déjà une première étape. Néanmoins, pour démêler le vrai du faux et éviter de tomber dans le panneau des actions de greenwashing de la part des fournisseurs, il est désormais nécessaire d’inclure des critères quantitatifs. L’objectif est de pouvoir cibler un périmètre d’émission significatif à défaut d’être exhaustif et d’accorder une pondération suffisante à ce critère pour qu’il permette de distinguer les fournisseurs les plus vertueux. Si l’extraction des matières premières se révèle trop complexe à mesurer car très en amont du cycle, il est préférable de se concentrer sur le cycle de production et/ou la chaine logistique, tout en vérifiant que leur poids dans le bilan carbone total reste significatif.

Conclusion

Ces différents écueils ne sont pas insurmontables mais ils nécessitent tous une collaboration approfondie entre le donneur d’ordre et le fournisseur pour valider la pertinence des choix à opérer. Cette collaboration ne peut pas être restreinte au seul cycle d’appel d’offres et doit être travaillée à long terme, dans le cadre de la stratégie achats de la catégorie et de la gestion du panel fournisseurs.