Des levées de fonds hebdomadaires à la recherche de la rentabilité, comment les start-up de la French Tech placent les Achats au centre du jeu ? - PeersGroup
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Des levées de fonds hebdomadaires à la recherche de la rentabilité, comment les start-up de la French Tech placent les Achats au centre du jeu ?

Publié le 6 juillet 2023 dans Business

C’est un état de fait depuis le second semestre 2022, les levées de fonds constatées au sein de la French Tech sont en net ralentissement. 

Cette perte de vitesse couplée à une conjoncture économique incertaine génère des interrogations majeures au sein de l’écosystème des start-up sur le territoire national en remettant au centre du jeu le sujet de la maîtrise des coûts et, in fine, celui de la profitabilité. 

Dans ce contexte, quel rôle pour la fonction achats et plus globalement pour le CFO (Chief Financial Officer) dont les recrutements sont en nette hausse ces derniers mois ? 

Tour d’horizon en compagnie de Sébastien Robitaille (CFO – DBV technologies), Eric Bourgeois (Procurement Director – Swile) Julien Chriqui (CEO – OKKO) et Alexandre Laforge (PeersGroup).

Le cabinet EY a publié lundi 17 avril 2023 des données révélant que les levées de fonds des start-up françaises ont connu une chute vertigineuse de 59 % pour les trois premiers mois de 2023, atteignant seulement 1,97 milliard d’euros, contre 4,79 milliards d’euros à la même période l’année précédente. 

Cette baisse se place dans le prolongement d’un ralentissement déjà observé au troisième et quatrième trimestre de 2022, avec des montants oscillants entre 2,4 milliards et 2,7 milliards d’euros. 

Guerre en Ukraine, déstabilisation des chaînes d’approvisionnements, inflation, relèvement des taux d’intérêt des banques centrales, faillite de SVB… Le paysage s’est considérablement assombri ces derniers mois, balayant “l’âge d’or” du Covid où numérisation galopante et argent accessible marchaient main dans la main. 

Dans ce contexte, comment les entreprises s’organisent-elles pour ne pas devenir des “start-up zombies”, un terme malheureusement à la mode actuellement outre-Atlantique et qui stigmatise des start-up devenues en quelque sorte, des coquilles vides …

Mais avant cela, petit retour en arrière.

Avant l’orage

Entre 2017 et 2019, les start-up françaises ont connu une période faste en matière de levées de fonds. Selon les données de Dealroom.co, en 2019, les start-up françaises ont levé plus de 5 milliards d’euros, soit une augmentation de 39% par rapport à l’année précédente. Cette performance remarquable est le résultat d’un écosystème dynamique et innovant, qui a attiré l’attention des investisseurs internationaux.

Cette période faste a été marquée par plusieurs événements importants, dont la levée de fonds record de BlaBlaCar en 2018, qui a permis à l’entreprise de covoiturage de lever plusieurs dizaines de millions d’euros. D’autres start-up ont également réalisé des levées de fonds importantes, comme OVHcloud (250 millions d’euros), Doctolib (150 millions d’euros) ou encore Meero (230 millions d’euros).

Les investisseurs étrangers ont quant à eux été particulièrement actifs pendant cette période, avec des acteurs tels que SoftBank, Sequoia Capital, ou encore DST Global qui ont investi massivement dans les start-up françaises. La France a également été un terrain fertile pour les fonds d’investissement locaux, avec des acteurs tels que Partech Ventures, Idinvest Partners ou Bpifrance qui ont financé plusieurs start-up prometteuses.

Cependant, cette période a également suscité des inquiétudes quant à une possible “bulle” systémique en Europe et aux Etats-Unis. Certains observateurs ont souligné que les investissements massifs dans des start-up sans modèle économique clair pourraient conduire à une surévaluation des entreprises et à des pertes financières pour les investisseurs.

Comme le souligne Sébastien Robitaille, CFO de DBV, “Au-delà des questions sur le produit ou le service délivré par la société, les préoccupations des investisseurs concernent essentiellement la gestion du cash et savoir si l’entreprise est en ligne avec sa stratégie de dépenses et ses engagements ».

Alexandre Laforge, Senior Manager PeersAdvisory, pôle Consulting de PeersGroup ajoute « La course à la croissance et la très forte hausse des disponibilités ont permis aux start-up françaises de recruter et d’investir massivement en pariant sur un modèle économique rentable à horizon 3 ans »

Mais lorsque le contexte général change, les choses se compliquent …

Le regard rivé sur l’EBITDA : la clé de la croissance durable des start-up

Nous l’avons vu, les start-up et l’écosystème de la French Tech ont connu une forte croissance ces dernières années, avec de nombreux projets innovants et ambitieux. 

Cependant, cette croissance rapide peut également être instable et difficile à maintenir, surtout lorsque les investissements sont nécessaires pour soutenir le développement de l’entreprise. Les levées de fonds sont souvent la réponse à ces besoins, mais leur succès dépend également de la capacité des entreprises à présenter une gestion financière solide et à démontrer leur potentiel de rentabilité à long terme. Et nous l’avons évoqué, la crise est passée par là …

Eric Bourgeois, Procurement Director de la scale-up de services SWILE précise : “Chez SWILE, l’objectif principal était la création d’un produit fort pour dynamiter un marché verrouillé. Il nous fallait donc avoir une force de frappe immédiate et puissante pour se faire une place. La levée était indispensable pour mettre le paquet sur le développement. Maintenant, notre enjeu c’est d’ajouter la maîtrise des coûts et l’efficience”.

C’est ici que les CFO (Chief Financial Officer) et les CPO (Chief Procurement Officer) entrent en jeu. Au cours des dernières années, nous avons assisté à une augmentation significative des CFO de métier au sein de l’écosystème des start-up en France. Leur rôle est essentiel pour assurer la stabilité financière de l’entreprise et sa croissance à long terme.

Le CFO est responsable de la gestion financière de l’entreprise, son rôle ne se limite pas à la tenue des comptes. Il doit également veiller à ce que l’entreprise soit en mesure de générer des bénéfices et de maintenir sa rentabilité à long terme. Cela signifie qu’il doit avoir les yeux rivés sur l’EBITDA (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization), un indicateur financier clé qui mesure la rentabilité de l’entreprise en excluant les coûts liés à la dette, aux impôts, à la dépréciation et à l’amortissement.

Le sujet de maîtrise des coûts est largement partagé dans le secteur. Julien Chriqui CEO de Okko qui a pu rencontrer plus d’une centaine de Procurement Managers dans le secteur de la Tech le perçoit : « En tant qu’entrepreneur de la tech française et au cœur de l’écosystème eFounders, j’ai pu sentir le changement violent d’approche entre croissance à tout prix et rentabilité exigée. Que ce soit les jeunes start-up en Série A ou les scale-up proches en Série D ou E proche d’une IPO : la rentabilité et le contrôle des coûts sont au centre des préoccupations. Un des leviers le plus important identifié par les scale-up est le contrôle des dépenses et la mise en place d’une politique achats très claire »

Les investisseurs regardent aujourd’hui davantage l’EBITDA lorsqu’ils évaluent une entreprise pour une levée de fonds. C’est d’ailleurs ce que l’on observe outreAtlantique où toutes les scale-up ont lancé des programmes d’amélioration de leur EBITDA. 

La dernière en date, COUPA (la plateforme de Business Spend) vient d’annoncer un plan de suppression de 30% de ses effectifs. Charles Goodman, CEO par intérim explique que ces mesures sont imposées par un contexte qui passe du « croissance à tout prix » à un « équilibre entre croissance mature et profitabilité ».

La compression des coûts structurels par le biais de la masse salariale n’est pas le seul levier d’optimisation de l’EBITDA. Il n’assure pas la croissance durable d’une entreprise. 

Les coûts d’achats, par exemple, peuvent eux aussi avoir un impact significatif sur l’EBITDA. 20% à 40% du CA est composé en général de dépenses externes. C’est pourquoi la fonction Achats joue un rôle crucial dans cette équation. La fonction Achats doit être en mesure de négocier des contrats performants avec ses partenaires et fournisseurs, ce qui a un impact sur la marge opérationnelle de l’entreprise et, par conséquent, sur l’EBITDA. La fonction achats peut également participer au développement du business notamment sur les investissements, qui impacte peu l’EBITDA mais contribue directement à la création de valeur. Gagner 6 mois de retour sur investissement (ROI) par une négociation réussie sur un CAPEX peut en effet être déterminant pour le développement.  

CFO / Manager Achats, un binôme déjà bien rôdé ?

La fonction achats n’existant pas toujours au sein des start-up, le CFO a embrassé la thématique de la réduction des coûts. En effet, la gestion des dépenses est devenue un enjeu majeur pour les start-up en croissance, qui doivent gérer leur trésorerie avec attention tout en investissant dans leur développement. 

Afin de soutenir le CFO dans la gestion des dépenses, deux voies s’ouvrent pour les entreprises concernées : identifier un porteur de projet, disposant d’une affinité voire d’une culture achats afin de fédérer et acculturer les équipes en interne sur ces enjeux. La seconde option est le recrutement d’un Manager Achats intégrant l’entreprise, en charge de structurer la fonction, disposant d’un mandat fort. 

Julien Chriqui précise : « la majorité des scale-up de la french tech a décidé de structurer leurs achats en recrutant et en créant un département achats. Ce qui est assez frappant avec tous les Procurement Manager que j’ai pu croiser cette dernière année, c’est la place qu’ils donnent aux change management et à la pédagogie dans l’adoption interne des bonnes pratiques achats »

Les deux options présentent des avantages et des inconvénients : la première option possède les vertus d’un dispositif moins engageant financièrement et susceptible de créer une adhésion globale mais avec la contrepartie d’un potentiel manque d’expertise sur le sujet. La seconde option quant à elle est beaucoup plus engageante financièrement et nécessite des compétences relationnelles développées pour accompagner et faciliter le business.

Ainsi, le CFO a pris un rôle plus large en incluant la gestion des achats en collaboration étroite avec le Manager Achats, permettant une meilleure maîtrise des dépenses et une meilleure négociation avec les fournisseurs. Comme le souligne Eric Bourgeois, le Procurement Director est à la fois “acteur, contributeur et moteur de la performance”.

Le binôme CEO/CFO est de plus en plus répandu dans les start-up, où « tout est financier ». Les investisseurs et les actionnaires attendent des résultats financiers solides, ce qui fait du CFO un acteur stratégique clé dans la réalisation des objectifs de croissance et de rentabilité. Le CFO doit être capable de fournir des informations financières précises et de qualité à la direction générale, afin de prendre des décisions éclairées et de mettre en place des stratégies efficaces. 

Eric Bourgeois ajoute : “Mon supérieur hiérarchique, c’est le CFO mais ce n’est pas encore le cas de toutes les boîtes tech. Il y a sans doute un ‘saut culturel’ à opérer. Procurement Director et CFO, cela crée un duo centré sur les enjeux de rentabilité et de performance. L’hypercroissance est basée sur les ventes, la profitabilité́ doit dépasser les bloqueurs structurels : en cela, le procurement est une des fonctions clés”.

Mais cet enjeu “tout financier” doit être couplé à un écosystème où, culturellement, ce n’est pas un cadre normatif naturel : “Tout l’enjeu est de parvenir à installer ces sujets et des process tout en maintenant agilité́ et efficience. Nous avons un super produit et côté achats je dois mettre en place les process agiles, fluides et efficaces qui nous permettent de continuer à bénéficier du bon time to market. A ce jour, j’ai centralisé la fonction achats, je suis responsable des process, de l’outil, et j’encadre le fonctionnement des 1000 collaborateurs en leur donnant les bonnes guidelines et les bons outils” (Eric Bourgeois – Swile).

Quel que soit l’option retenue par l’entreprise, l’enjeu du dispositif achats réside dans un leadership fort pour créer et fédérer une dynamique d’efficacité financière par extension et qui puisse rayonner au-delà de la fonction achats. La fonction achats mute ainsi en catalyseur et chef d’orchestre tout en accompagnant la formation des collaborateurs pour un objectif : celui de la maîtrise des coûts et des risques de la société.

A ce titre, « en parallèle du renforcement de la performance économique et de la maîtrise des coûts, nos clients cherchent à sécuriser les processus d’engagement des dépenses, avec des outils de Procure To Pay ».

« Nous finalisons la transformation digitale d’une Licorne Française avec P2P complet interfacé au budget et à l’ERP sur un périmètre mondial. Ce projet fait suite aux exigences formulées par les futurs investisseurs en amont de leur IPO » complète Alexandre Laforge.

En effet, juste avant un IPO, il est possible (voire nécessaire) de mettre en place un système pour contrôler les dépenses de la société. Les fonds souhaitant, en effet, que les sociétés puissent contrôler leurs dépenses et leurs trésoreries, avant la mise en place d’un IPO. Ce sont des outils que l’on appelle P2P (Procure to Pay), ce qui permet entre autres, d’organiser les engagements externes et ainsi de piloter finement les prévisions de cash. 

La contraction des moyens concernant les starts up les font évoluer vers des modes d’entreprises plus cohérents et classiques au regard de leur enjeu majeur : celui de piloter au plus près leur performance financière et leur EBITDA.

Il est cependant nécessaire qu’elles gardent leur agilité et leur capacité d’innovation en les liant à des processus plus frugaux et efficients, qui maintiennent un équilibre économique

Chez PeersGroup, nous avons développé une véritable expertise systémique pour les start-up (Content square, Swile, …) en accompagnant celles- ci sur l’identification, la sélection et la mise en place de l’outil Procure to Pay. 

Nous avons la conviction que l’écosystème se transforme : devenant plus rationnel dans son approche, il a besoin d’un accompagnement Tech et Conseil qualifié afin d’optimiser l’ensemble de ces démarches.

PeersAdvisory, pôle consulting de PeersGroup – Alexandre Laforge